Les rhinocéros ne sont ni d’extrême gauche ni d’extrême droite. Ils font juste comme tous les autres rhinocéros.
Ils ne connaissent ni l’histoire, ni la géographie, ni les sciences, fussent-elles politiques. D’ailleurs, ils n’en ont cure. Eux, ils mangent de l’herbe. Oui, ce lourd périssodactyle disgracieux broute ! Un tapir en plus grand ! Un âne en moins affectueux, en beaucoup moins intelligent.
Qui a dit qu’ils étaient en voie de disparition ? C’est tout le contraire…
Tout chez lui pousse par agglutination ! Même ses cornes n’en sont pas vraiment ! De vulgaires protubérances, de la peau durcie, de la kératine accumulée à force de temps… Ce même temps qui forge l’ignorance quand il devrait permettre de la vaincre !
Le rhinocéros n’étudie pas. Ou plutôt si, mais il n’apprend pas : Il retient ! Quoi ? Ce qui lui est vital pour survivre et se reproduire… Son cerveau n’est pas fait pour autre chose.
Il est aveugle mais pas sourd, quand bien même il n’entend rien.
A tout, il a des solutions simples !
Son territoire serait menacé par une autre espèce ? Pas même besoin de fermer ses frontières, il a déjà tout du char d’assaut ! Lui, il n’intègre pas : il refoule ! Et la boue lui sert de remparts ! En vrai, il n’a aucun ennemi ! Quelques hommes, parfois, férus d’humanités !
Comme il ne voit rien, il croit distinguer des congénères, là-bas, au loin ! Trop loin pour que son olfaction, pourtant pléthorique, ne le déniaise. Il ignore donc ce que ces formes hideuses lui affligeraient de souffrances avant que de l’asservir, si toutefois ils lui laissaient la vie sauve. Ces formes ? Des hommes également, ennemis de même, mais ceux-là pas férus d’Humanité, mais alors pas du tout ! Des coupeurs de cornes et du reste, et qui se foutent pas mal de savoir si oui ou non elles seraient aphrodisiaques !
Ionesco, reviens !